San Jose, le 16 janvier 2001
Chinatown II
Allez, voici de l'eau en plus pour le moulin de ceux qui persiflent sur les US. Vous avez vu Chinatown ? Un superbe film de Polanski. Il y est question de flotte, denrée rare et chère du côté de LA. A ce propos, l'existence-même de LA tient du miracle. Il n'y a pour ainsi dire rien qui permet la survie d'un être vivant dans ce coin (pratiquement pas de flotte autour de LA). Mais, je m'égare là. Chinatown, donc, raconte l'histoire des escrocs de haut vol qui se trouvaient dans les années 20-30 à la tête du "Department of Water and Power" (l'organisme public en charge de la distribution de l'eau). Ces types ont volontairement asséché les terres à la périphérie de LA, sur lesquelles des agriculteurs prenaient soin de leurs vergers. Les culs-terreux ne pouvant faire face à la sécheresse qui s'ensuivit durent faire leur valise et vendirent leurs terres à très bas prix. Les grands pontes du DW & P rachetèrent alors les terres en question, repermirent la distribution de flotte et revendirent lesdites terres à prix d'or. Ces grands humanistes ont favorisé l'expansion de LA, devenue ce qu'elle est désormais : une vibrante métropole de plusieurs millions d'habitants. Ils en ont aussi profité pour s'assurer une retraite pépère, avec voitures de luxe et baraques de style provençal au bord du Pacifique.
Bon, OK, voilà pour les préliminaires. Et ma foi, ce qui fait l'objet de bien des discussions ici, à l'heure actuelle, sent la répétition à plein nez. Sauf que l'objet de l'arnaque, c'est le courant, tous ces petits électrons qui se baladent dans tous ces fils en cuivre.
En gros, en 1996, Gray Davis (gouverneur démocrate de la Californie) a décrété la dérégulation du marché de l'électricité. Il faut dire au passage que les lobbies électriques l'ont largement arrosé, non pas de courant, mais de pognon, pour sa dernière campagne. Alors, notre pote Gray en bon bonze (car les bons comptes font les bonzes amis) a fait passer une loi qui donne le monopole de la distribution de l'électricité à deux sociétés privées : "Pacific Gas and Electric" en Californie du nord et Southern Edison quelque chose (j'ai oublié le nom) dans le sud. Ces deux compagnies ont cependant pour obligation de ne pas augmenter leur tarif de façon inconsidérée et sont en quelque sorte suivies de près par les autorités californiennes. OK so far, so good.
Cependant, elles ne sont responsables que de la distribution du courant et vont s'alimenter en jus tout frais auprès des producteurs électriques. Et ceux-là, croyez-moi, c'est des truands de première, des purs, des vrais. Ils ont fait grimper leur tarif à la puissance dix pour des raisons diverses :
- ils n'ont pas prévu le boum économique de la Silicon Valley et l'augmentation brutale de la demande en électricité ; cette raison avancée par les sociétés productrices est probablement valable. C'est dans la nature américaine de faire des "quick bucks" (un buck = un dollar en argot ricain) vite fait, mal fait, sans se soucier de plans à long terme ;
- ils affirment que les usines électriques qu'ils ont récupérées de l'Etat californien doivent être en partie fermées afin de les remettre à niveau et de les "nettoyer" en quelque sorte. En conséquence, une bonne partie du parc électrique est actuellement fermé pour des raisons de maintenance.
Et c'est précisément là que ça sent le foutage de gueule. N'importe quel débile vivant en Californie sait très bien que pour foutre le cirque dans le marché de l'électricité, il suffit de fermer les usines en hiver (pic dans la demande vu que ça caille) ou en été (autre pic dû à l'utilisation massive de l'air conditionné).
Le résultat des courses est donc double. D'un côté, ces grands philanthropes que sont les actionnaires des sociétés productrices de courant se tapent des bénéfices en or massif sur le Stock Exchange de New York.
Et puis, il y a les autres : PG & E et l'autre boîte (dont le nom m'échappe), par exemple, perdent des milliers de dollars chaque fois qu'un Californien se grille du pain de mie dans son toaster. Ces deux boîtes sont sur le point de mettre la clef sous le paillasson. Ca va faire chic, ça : plus d'électricté disponible en Californie. Et oui, pas au Sierra Leone, ni en Ouganda ou dans un autre pays de pauvres, non, non, en CALIFORNIE, vous savez le coin où il y a tout ces cinglés surpayés qui font de l'internet ou du marketing.
Il y a déjà eu des coupures de courant par roulement. On coupe pendant une heure tel quartier, puis un autre, etc. Et il y aura des augmentations tarifaires. Faut bien qu'il y ait des vaches qui paient en bout de ligne. Gray Davis a donné son feu vert pour la hausse des tarifs, tout en se disant fort mécontent de la situation actuelle, qu'il va y remédier (sa cote a baissé dans les sondages), que ça ne va pas se passer comme ça, etc.
En attendant, ce qui va se passer, c'est 9% de plus à payer dès la prochaine facture (qui ne combleront pas, et de loin, le gouffre financier des distributeurs de courant).
Bon, j'arrête ici mon papier, c'est l'heure du couvre-feu !
PS : J'ai commencé mon papier sur LA, alors je finis sur LA aussi. Il s'agit de la SEULE commune en Californie qui a voté contre la dérégulation en 1996. A LA, le DW & P (encore lui) continue de s'occuper de la production et de la distribution de courant. Ils en produisent même trop, du courant, à un point tel qu'ils ont proposé d'en revendre à l'Etat de Californie et aux villes alentour qui elles sont en manque. Tout dernier point : la facture électrique d'un Angeleno est ridiculement basse par rapport à celle d'un autre Californien.
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