San Jose, le 25 janvier

Classic Bike / Jumbo Size

Allez zou ! on est parti pour une balade. Mon vélo, c'est un vieux Peugeot tout vert (emprunté à Elisabeth). Incassable, ce genre d'engin. On pourrait presque le qualifier de "Classic Bike". On trouve bien des "Classic Cars" aux US : Ford Mustang millésimées 1968, Buick décapotables, Cadillac Biarritz, Monte-Carlo, Corsica, etc. Partis comme ils sont, ils vont bien réussir à nous pondre la Cadillac Montargis ou Vitry-le-François.

Bref, mon vélo, il est "classic". La preuve, l'autre jour, un Chinois en sortant d'un fast-food m'a lancé un "cool bike", alors que je passais devant lui. Soit il était sincère, et ce type est un bon gars, soit il s'agit d'un gros malin surpayé de plus, dont le rêve est d'avoir une BMW Z3. Ca se trouve dans la Silicon Valley, et ailleurs aussi.

Bon, pas le temps de penser à ça, le fast-food est déjà loin derrière. Et puis, c'est vrai que mon "bike" est drôlement "cool". La question ne se pose même pas.

En gros, dans une ville californienne, les principaux éléments architecturaux s'offrant à la vue du cycliste sont un mall, un MacDo, un parking, un mall, un Burger King, un resto mexicain, un concessionnaire automobile, un concessionnaire automobile, un concessionnaire automobile (ils aiment s'agglutiner, ceux-là), un parking, une clinique privée (tenue par des voleurs qui s'enrichissent, en toute légalité, sur la santé des gens du coin), un mall, un MacDo, un resto mexicain. Voilà, j'ai fait à peu près le tour. Comme a pu l'écrire en d'autres termes le génial Philip K. Dick (un auteur de SF), on a l'impression qu'une usine à fabriquer un MacDo, un mall, un parking a soudainement accéléré sa cadence de production. Et bon, personne ne sait vraiment l'arrêter, cette machine infernale.

Mais, j'aime bien, somme toute. On n'est pas distrait, ou plutot pas diverti. Point d'église romano-gothico-machin du XVème siècle qui empêche l'honnête homme de réfléchir. Non, il n'y a rien, juste soi tout seul au milieu des bagnoles. Right in the middle of a suburban nowhere. A ce propos, les voitures aussi participent à l'uniformité ambiante. Toutes les mêmes, et l'on voit de moins de moins mes fameuses "Classic Cars". A la place roulent des Américaines qui ressemblent à des Japonaises, qui ressemblent à des Européennes.

C'est pratique, les US, et c'est "jumbo size" aussi. Si on me demande : "c'est comment, les US", et bien je répondrai : "c'est jumbo size". Les voitures, les burgers, les routes, tout ça c'est "jumbo". Et les gens sont généralement "jumbo" sympas (je le dis sincèrement, sans ironie).

Et c'est donc drôlement pratique, le "jumbo world" : drive-thru par-ci, parkings bien larges par-là, tout a été pensé pour faciliter les déplacements des gens, sans cesse occupés à satisfaire leurs besoins et à combler leurs manques (ces satanés plaies ouvertes que les publicitaires s'acharnent à charcuter).

J'aime bien ce côté utilitaire. On est comme au milieu d'un désert. Voilà, c'est un désert avec plein de magasins et des voitures.

Dans cette sorte de désert (essentiellement plat), avec son vélo, on peut penser. Ca me plaît, je suis peinard sur mon Peugeot, j'ai le temps de regarder les nuages et les noms des rues.

Et puis, quelques oasis parsèment ce décor à la géométrie lisse : bibliothèques épatantes, petits revendeurs de bouquins d'occasion, disquaires hors-norme, coffee shops et bouibouis accueillants, etc.

Je passe devant un MacDo. A ce propos, un bouquin, tout juste publié, dévoile les résultats d'une étude qu'un type a menée dans le milieu de la "junk food" ricaine. Le "cas MacDo" est évidemment examiné en long et en large. Il s'agit d'une joyeuse entreprise. Un MacSalarié reste en moyenne quatre mois dans cette boîte, au bout desquels il est généralement lessivé. En plus, il paye au lance-pierre, le Ronnie MacDonald. Ce bon vieux clown est certes souriant sur les photos, mais c'est un sacré radin qui lâche des salaires largement inférieurs aux minima généralement pratiqués ailleurs. Ca se passe comme ça chez MacDonald's, car les petits employés n'ont pas de syndicat maison. Du coup, la protection sociale est aussi mince qu'une tranche de steak dans un Big Mac.

Ils ont une "bible maison" aussi. La bible sait tout, elle dit tout, elle est tout. Combien de temps ce truc doit cuire ? C'est dans la bible, chapitre 7, verset 12. Et ce machin-là, j'en fais quoi ? Tourne-toi vers la bible, mon fils, et la réponse tu trouveras. Ce gros bouquin truffé d'instructions permet à Ronnie et ses potes de servir le même burger de Bangkok à Bangkok, en passant par New York. La prochaine étape sera probablement la robotisation totale de tout le personnel. On virera de derrière les comptoirs tous ces employés Mexicains sous-payés, qui parlent anglais comme... des Mexicains, afin de les remplacer par des beaux gars/gonzesses robotisés au sourire impeccable.

Ca sera drôlement pratique !

Et super jumbo, aussi.

D'ailleurs, le mouvement a déjà commencé. Pour 99 cents de plus, on a les jumbo frites et la jumbo boisson, à la place des mêmes en 'regular size'.

Adresse : pierre_gilet@hp.com

Oh please, drive me back home.