San Jose, le 12 mars 2001
Flingues de Concours
Sa valeur s'élevait tout de même à $400 au moment où les organisateurs estimèrent que la plaisanterie devait cesser. Chez Ebay, tout s'achète, tout se vend. Cette société de la Silicon Valley fait partie de celles qui continuent avec succès leur petit bonhomme de chemin, malgré les rumeurs (exagérées, du moins pour l'instant) persistantes de récession. Récemment donc, un étudiant s'est connecté à l'adresse www.ebay.com afin de vendre son âme aux enchères. Sa copine, mise au courant, se rend également sur le site et propose la modeste somme de $6,75. L'affaire semble rondement menée malgré la radinerie manifeste de la copine, quand soudain, une inconnue met $400 sur le tapis, dans l'espoir de ravir l'âme du type. Les événements commencent à prendre une tournure intéressante lorsque les administrateurs d'Ebay décident d'annuler la vente aux enchères. Dommage... On ne saura pas ce qu'il adviendra de notre Faust on line.
La valeur des deux écoliers de la région de San Diego était quant à elle inestimable. Ils sont partis, avec du plomb dans le ventre... Un nouveau drame a donc eu lieu dans un établissement scolaire. Un gamin de quinze ans, pas très bien dans sa peau, a ouvert le feu dans les toilettes des garçons. Il a ensuite laissé tomber son attirail, puis a lancé un petit "coucou, je suis ici" à l'armée de flics appelée en urgence. Malgré l'inexorable accumulation de flingués dans les écoles américaines, la National Rifle Association continue d'affirmer que ce sont "les hommes qui tuent, pas les armes". Mouais, et bien entendu, c'est la bouche de Charlton Heston (ex-Ben Hur reconverti "ambassadeur" de l'association) qui profère cent conneries à la minute, pas Charlton Heston lui-même.
Du coup, je me suis rendu au Gun Show, dimanche dernier. Tous les deux mois environ se tient un Gun Show à San Jose. Cela ressemble à une foire aux livres, avec petits stands, exposants souriants, et tout, et tout. Sauf qu'on y vend des "flingues de concours", comme disait tonton Bernard Blier ("J'vous préviens qu'on a la puissance de feu d'un croiseur et des flingues de concours"). Pas de bol, j'arrive trop tard, à la fermeture. Je jette un coup d'oeil et échange quelques mots avec un des agents de la sécurité. J'apprends que l'affluence était plutôt pas mal, et que la prochaine édition aura lieu en juin. OK vieux, je prends note, rendez-vous en juin. Ca me donnera des idées cadeau pour mon anniv'.
Je reprends le chemin de la maison. Le soleil brille gentiment, je roule doucement, la radio universitaire de Santa Clara m'inonde de musique. C'est cool, je suis cool, j'ai comme l'impression de me trouver dans une série télé américaine. L'impression se confirme, lorsqu'au bord de la route, j'aperçois un gusse en débardeur blanc, les cheveux raides, mi-longs, avec les mains sur le capot de sa caisse. Quatre policiers autour de lui discutent de choses et d'autres, et lui posent des questions probablement embarrassantes. Les gyrophares clignotent et mon feu passe au vert. Je n'en saurai pas plus.
J'arrive à bon port, je me gare. Dehors, il fait décidément beau. Voilà, un dimanche en Californie va s'achever.
Note finale (et conseil de grand-mère californienne) : pour rester en bonne santé, évitez d'engueuler les autres au volant, des fois qu'ils cachent une pétoire dans la boîte à gants.
Deuxième note finale : le grand prix de l'intelligence vient d'être décerné à un étudiant du De Anza College (situé à proche distance de mon boulot). Il a quand même fabriqué une bombe pour mettre sur orbite le public d'un spectacle musical prévu le mois dernier dans les locaux de l'école. Il a ensuite placé sa bombe à l'endroit adéquat, tout minuté, tout bien élaboré. Bref, du bon boulot consciencieux. Et pourtant, son petit plan a capoté dans les choux, car lors de la préparation de l'engin infernal, il a voulu faire des photocopies de détonateurs dans le Kinko's du coin (chaîne de magasins spécialisés en bureautique). Et plutôt que de s'en charger seul, il a demandé à une employée de s'occuper elle-même des photocopies, en lui laissant nom et adresse. La fille s'est exécutée avec un grand sourire crispé, et a téléphoné à la police à peine le terroriste en herbe sorti du magasin. Je ne me remets pas de cette histoire : ce type réussit à fabriquer seul un mécanisme compliqué, il a bien réfléchi à son affaire, et dans un grand élan de stupidité, communique involontairement tous ses desseins à une inconnue.
Troisième note finale : pour être bien sûr de ne pas l'oublier à sa sortie de prison, le Mercury News a gentiment publié en grand le nom et la photo de l'héroïne à sa une. A mon avis, ce journal (plutôt sérieux et de qualité, cela dit) ne commente pas seulement les événements, il en sème aussi les graines en espérant un retour sur investissement.
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